XVIII – Le crash – Fragment 1
Faure resta interdit devant les accusations proférées par Andriana. Un tel épisode l’avait bien plus ébranlé qu’il ne pouvait se l’avouer. Il se sentait minuscule, partagé entre le déni et l’épouvante d’endosser le rôle dont l’IA voulait l’investir. En cet instant il aurait souhaité se réfugier derrière son seul rôle d’opérateur. Nulle ordination ne pouvait préparer un homme à assumer seul une perspective eschatologique démente.
— Andriana, fit-il doucement. Je ne suis responsable en rien…
Elle fit un pas de côté, tendant la main comme pour l’empêcher d’approcher, et se tint à bonne distance des mantes qui venaient de reprendre l’aspect débonnaire d’insectes métalliques. Un instant, il fut tenté d’en appeler à son sens de la discipline et du respect de son supérieur, avant de mesurer l’absurdité de son intention. S’il avait été à sa place, spectateur d’intrigues contre le pouvoir en place, il se serait senti menacé jusqu’aux tréfonds de son être.
— Andriana, je vous en prie, tout cela me dépasse moi-même.
— Mais c’est vous qu’elle a choisi.
— Nous sommes du même bord…
— Visiblement pas de la même espèce… Ecoutez, j’ai besoin de temps. Laissez-moi seule, il faut que je réfléchisse.
Elle recula une nouvelle fois, s’attirant l’attention de deux des mantes mâles qui entamèrent un mouvement d’interposition entre eux deux. Faure s’aperçut alors avec un déplaisir certain qu’elle était prête à dégainer son arme de protection individuelle.
— Andriana, dit-il avec une voix désespérée, je ne suis pas une menace…
Paraissant se rendre compte de ce qu’elle était en train de faire, elle éloigna précipitamment sa main de la crosse de l’arme et leva les mains en signe de reddition. Les mantes ne bougèrent pas, et Faure dut leur ordonner muettement de la laisser tranquille pour qu’elles reculassent.
— Je ne sais plus… commença-t-elle, la voix déformée par l’inquiétude. Je ne sais plus à qui je peux faire confiance…
— Cela viendra, dit-il tristement. Le moment venu. Prenez le temps de la réflexion. Je vous fais le serment que je vous laisserai tranquille et que les mantes ne vous inquiéteront pas.
Elle parut sur le point d’ajouter quelque chose, puis se ravisa et disparut dans sa tente. Au temps pour l’unité, rumina-t-il. Il ordonna aux machines de se rassembler en faisceaux, et alla s’asseoir près du coin repas, pour se faire réchauffer une platée de fruits bouillis à laquelle il toucha à peine. Il essaya plusieurs fois de rentrer en contact avec Cassandre, mais l’IA restait maintenant désespérément neutre. La nuit tombant, il leva son regard vers les étoiles et surprit une formation lumineuse en triangle passer au dessus de lui à intervalles réguliers. Des anges de dieu. Il leva sa tasse de thé en guise de salut à la Cassandre céleste, réalisant que quoi qu’il fasse son destin était inextricablement lié au sien.
La lumière vacille. Le fragment suivant commence dans l’ombre.
Le Cercle des Illuminés
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