Pourtant n’en avait-elle pas fini avec lui. Les ravisseuses entamèrent un nouveau mouvement souple. Il sentit les pointes passer avec une prudence infinie sous ses bras. Un instant il s’épouvanta à l’idée de glisser le long des barbules acérées, mais celles-ci avaient été rétractées à l’intérieur des segments, et la sensation était en tout point comparable à une caresse. Elle le cala contre l’un des points d’articulation de ses ravisseuses, les deux pointes croisées soutenant sa tête. Ne sachant que faire de ses  mains, il l’étreignit en retour et soutint avec gratitude le regard bien trop humain qu’elle lui adressait. Le spectacle devait valoir le détour, le soldat et la machine de guerre s’enlaçant, confondant les principes de vie entre deux êtres aussi dissemblables avec une intimité folle. Mais au fond de lui, il savait que cette étreinte presque érotique précédait une révélation.

Ecoutez et retenez.

— Je vous écoute…

Pas un mot ne fut ajouté. La mante déploya ses ailes en un écran, et les images affluèrent. Flammes et désolation. Une apocalypse.

— Mon Dieu, se lamenta-t-il. Faites que cela ne soit pas notre futur…

Il reconnut Rome balayée par une apocalypse que nulle omnipotence technologique n’avait pu prévoir. Saint-Pierre n’était plus qu’un monceau de ruines, la coupole était béante, éventrée par une tornade de flammes qui s’élevait dans les cieux. Les générateurs de champ de force du protocole Egide rougeoyaient, incapables de protéger la Ville Eternelle qui agonisait inexorablement.

Retenez.

— Cela ne peut pas être vrai…

Retenez…

La mante le laissa doucement reposer contre son grabat, et s’effaça sans manière, laissant Faure sangloter tout bas. Lorsque l’engourdissement vint le trouver, il l’accueillit avec soulagement.

— Faure, vous êtes réveillé ?

Il papillonna des yeux plusieurs fois et constata que cette réalité n’avait plus rien d’hallucinatoire. Andriana se tenait au dessus de lui, un large sourire sur le visage. Réalité immédiate. Le souvenir de la nuit dernière s’estompait peu à peu.

— Je crois bien, oui.

— On peut dire que vous m’avez fait peur ! fit-elle surexcitée.

Il s’assit sur le lit, réalisa qu’il était nu et convint que la pudeur était le cadet de ses soucis.

— Qu’est-ce qui m’est arrivé ?

— Infestation parasitaire. Je vous avais dit ne pas boire d’eau.

— Impossible.

— Je sais reconnaître des nématodes quand j’en vois. Et vous en aviez plein l’organisme. Le traitement a été violent, mais très efficace. Plus aucune trace de corps étranger. Permettez que je vérifie vos constantes… (Elle activa le biopack.) Incroyable… Hier, vos taux d’ACTH, de cortisol et de vasopressine crevaient le plafond. Tout est revenu à la normale. Le relevé d’ondes cérébrales présente quelques irrégularités. Des cauchemars ?

— Je ne m’en souviens pas, mentit-il. J’ai été inconscient longtemps ?

— A peine deux jours, répondit-elle. Vous avez manqué beaucoup de choses…

— Andriana, je peux vous demander pourquoi vous ne tenez pas en place ?

— Faure, cela risque de faire beaucoup à assimiler. Les mantes se sont réveillées et elles n’arrêtent pas de parler, semble-t-il.

— Et elles disent quoi ? demanda-t-il en se levant précipitamment pour enfiler sa combinaison.

— Ça, je n’en sais rien. Vous seul avez le pouvoir de les comprendre. Allez le leur demander. Elles vous attendent dehors de toute façon.

La lumière vacille. Le fragment suivant commence dans l’ombre.

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