XVI – Les nématodes – Fragment 2
Sa voix faiblit en un coassement. Un nouvel élan de douleur coinça ses tempes dans un étau, faisant danser des taches sombres devant ses yeux. Cet effort minime venait de saper les quelques forces qu’il avait pu récupérer pendant son sommeil. Il roula sur lui-même avec peine, cherchant par terre ses affaires personnelles, espérant soupeser le poids rassurant de son arme. Rien. Il se remit sur le dos, haletant, l’hyperventilation le faisant suffoquer.
— Andriana ? appela-t-il une nouvelle fois, sans espoir que sa voix eût porté très loin.
Curieusement, sa voix résonna à ses oreilles et il n’y décela que bien peu de détresse. Une alarme retentissait encore dans son cerveau, mais elle perdait de son intensité. Fausse alerte.
Il vit deux segments métalliques ionisés pénétrer entre les rabats et les écarter avec une lenteur presque exagérée, et une tête insectoïde se dessina. Les yeux de la mante clignèrent en un rythme doux et apaisant, arrachant à Faure un sourire béat involontaire. Une véritable délivrance.
— Approche… Ou approchez… Je ne sais pas trop… Plus près de moi… fit Faure en s’étranglant, chaque mot lui coûtant un peu plus.
La mante considéra l’invitation en dodelinant de la tête, puis pénétra toute entière à l’intérieur de la tente avec une souplesse et une élégance dont on aurait pu croire incapable une machine de cette taille. Elle se figea au pied du lit et considéra l’homme qui y gisait avec ce que l’on aurait pu prendre pour de la sollicitude, et fit courir ses yeux des pieds à la tête et inversement, peut-être un processus de scan si tant est qu’elle en fût pourvue. Ses mouvements de tête mimèrent muettement une inquiétude profonde.
— Je ne devrais pas en mourir… Je…
Le reste de sa réplique se perdit dans une quinte de toux grasse. Il cracha quelque chose dans sa main et crut voir se tortiller des de minuscules choses lumineuses dans ses expectorations.
— Je crois bien… que je suis victime d’hallucinations… Tu n’es pas vraiment là, hein ?
Cette fois, la mante ne signa rien. Elle se redressa aussi haut qu’elle put sous la tente, et déploya deux organes thoraciques inconnus. Un bourdonnement doux se fit entendre et Faure sentit l’oxygène affluer dans ses poumons. Quelque chose lui dit qu’elle venait de modifier la formule chimique de l’atmosphère. Une assistance salutaire. Dans l’état où il se trouvait, le scepticisme n’était pas de mise ; cela réclamait bien trop d’énergie. Tout était permis à l’intérieur du champ hallucinatoire, même si celui-ci s’avérait bien trop élaboré pour une irrégularité neuronale.
Respirant un peu plus profondément, du moins jusqu’à un certain point, comme si ses poumons rencontraient une butée, Faure la vit déployer une ravisseuse dans sa direction. Il tendit la main, sentit le métal froid, mais ses forces le quittèrent, et sa main retomba. La mante réessaya deux fois, taquinant avec prévenance ses doigts inertes de la pointe de la ravisseuse pour l’encourager à la saisir. Puis, semblant mesurer l’énergie de l’homme qu’elle souhaitait stimuler, elle se pencha sur lui, et fit jouer un segment sous sa nuque, le redressant avec une tendresse presque maternelle. Il sentit la froidure du métal se déplacer sur sa peau brûlante, de sa nuque jusque sous ses omoplates, tandis qu’elle l’asseyait sur son grabat. Le second segment se posa de manière longitudinale sur sa poitrine, exerçant une pression subtile. Immédiatement, il sentit un courant basse intensité traverser son thorax qui se mit à fourmiller. La sensation n’avait rien de désagréable. Peu à peu il put approfondir chaque inspiration, toujours plus profondément, jusqu’à ce qu’il ne ressentît plus aucune oppression. Il constata avec surprise que la fièvre était elle-aussi en train de baisser, chaque degré perdu le rapprochant un peu plus du seuil de l’équilibre.
— Merci.
La lumière vacille. Le fragment suivant commence dans l’ombre.
Le Cercle des Illuminés
Recevez chaque nouveau fragment directement dans votre sanctuaire électronique.

