XVI – Les nématodes – Fragment 1
Putain, pas encore, songea-t-il quand il reprit conscience. Ses yeux s’avéraient impuissants à faire le point, couverts par une nappe bourdonnante qui s’immisçait jusque dans son esprit. Une diffraction en miroir de son champ de conscience. Il n’avait aucune certitude quant à l’endroit où il se trouvait, mais une impression première lui suggérait qu’il n’avait jamais quitté la forêt. Tout ce qu’il avait vécu depuis qu’il s’était égaré n’était qu’une illusion. Il ne s’était pas arraché à l’attraction irrésistible des confins et avait fini par être converti à son tour. La forêt lui avait seulement implanté le souvenir factice d’une dérobade. Piètre consolation. Le ravissement n’avait duré qu’un temps. Une vague de spasmes musculaires le fit se tordre de douleur. Et douter. S’il avait abandonné son corps quelque part dans la forêt, comment celui-ci parvenait encore à se rappeler à son subconscient ? Il sentit alors une aiguille s’enfoncer dans son bras nu et entendit qu’on lui murmurait des paroles apaisantes. Une mère à son enfant. Une douceur et une bienveillance toute humaine. Rien dont serait capable la forêt.
Il était de retour au camp en proie à une fièvre dévorante qui le faisait délirer. Il avait réussi à s’échapper de la forêt.
— Andriana, murmura-t-il.
— Chuuut… Il faut vous reposer.
Sa voix venait de très loin. Un linge humide fut déposé sur son front brûlant. Il voulut lui saisir la main, mais il ne rencontra que du vide, soit qu’il ne fût pas parvenu à lever le bras, soit qu’elle fût déjà partie. Il sombra une fois encore.
Lorsqu’il se réveilla, il allait tout juste un peu mieux. La fièvre le lancinait encore, mais il parvenait à éloigner ses élancements de telle sorte que cela restait supportable. Il frissonnait toujours, peut-être davantage depuis qu’elle lui avait retiré sa combinaison, mais les doses massives de myorelaxants avaient eu raison des convulsions. Il avait toujours du mal à faire le point sur les alentours immédiats, même s’il se rendait compte qu’il se trouvait dans sa tente et qu’un climatiseur miniature vrombissait non loin de lui. Cette brève séquence d’appréciation de la réalité fut tout ce qu’il put supporter et il céda une nouvelle fois au sommeil.
La troisième fois, il fut tiré d’une torpeur moite et angoissante bien malgré lui, et parvint tout juste à se redresser dans une mare de sueur fétide, empuantie par les toxines suintant de son corps. Un bruit suspect. La tente était plongée dans la pénombre, l’obscurité totale maintenue à distance par une veilleuse accrochée au plafond, distillant une lueur vert tendre. Nouveau bruit. La fermeture à glissière de la tente était ouverte lentement, avec une précaution extrême.
— Andriana ?
La lumière vacille. Le fragment suivant commence dans l’ombre.
Le Cercle des Illuminés
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