Quoiqu’il lui tardât de rentrer au camp, Faure convint qu’il ne servait à rien d’agir avec imprudence. Il bivouaquerait sur place et repartirait à l’aube. Il remplit sa gourde d’eau et la trouva pure et limpide, mais pour ne pas prendre de risques inutiles il fouilla son médipack et avala des antihelminthiques et des antibiotiques à large spectre. Il s’allongea tout près de la berge et remit son masque ; il en avait suffisamment vu en ce jour. Le sommeil vint le trouver avec facilité et il n’eut pas besoin de rêver.

Les oiseaux le réveillèrent le jour suivant. Une plainte diffuse, sans être lugubre. Un chant familier, entrecoupé d’un silence recueilli. Il se leva intrigué et étira son corps courbaturé et consomma rapidement sa dernière ration avant de reprendre sa route. Les berges étaient bien dégagées et Faure eut une fois de plus l’idée que tout était trop bien rangé, comme s’il circulait dans un artefact idéal plutôt que dans une production naturelle. Le ruisseau le menait tout droit vers les oiseaux dont une immense colonie avait élu domicile dans les grands arbres. Finalement il aboutit dans ce qui semblait une clairière hérissée de bosquets aux formes étranges, torturées pour certaines, épanouies pour d’autres. Et un oiseau se remit à chanter, l’intonation suivie par le chœur de centaine d’autres qui firent résonner la clairière d’une mélodie grave qu’ils reprirent encore et encore, détachant chaque mot avec grandiloquence.

Lux.

Perpetuat.

Luceat.

Eis.

Lux.

Perpetuat.

Luceat.

Eis.

Lux.

Perpetuat.

Luceat.

Eis.

Frissonnant, Faure traversa la clairière. Ses jambes tremblaient, tandis qu’il essayait de ne pas prêter attention avec trop de minutie aux bosquets. A la fin, il ne put garder son calme et détala, déclenchant l’envol unanime de tous les oiseaux qui le quittèrent, laissant derrière eux quatre notes aigrelettes.

Te.

Absolvo.

Il sortit de la forêt sans trop savoir comment, à quelques mètres de l’endroit où il était entré, et tomba nez-à-nez avec Andriana.

— Déjà ? s’étonna-t-elle avec un sourire amusé.

— Je suis parti combien de temps ?

— Une heure, je dirais, pas plus.

Il se passa une main sur le visage, sentant l’étourdissement le gagner.

— J’ai besoin de m’asseoir, fit-il.

Elle le dévisagea sans rien dire, son sourire s’effaçant lentement de son visage.

— Vous êtes blanc comme un os. Venez prendre  un thé et me racontez ce que vous avez vu. D’autant plus que j’ai également des choses à vous dire. Vous ne le croirez pas, mais il peut se passer pas mal de choses en l’espace d’une heure.

La lumière vacille. Le fragment suivant commence dans l’ombre.

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