XIII – La forêt illuminée – Fragment 1
Il existait quantité de procédures militaires permettant à un soldat de s’orienter quel que fût le milieu dans lequel il se trouvait. Aucune d’entre elles ne pouvait s’appliquer à un milieu naturel n’obéissant pas aux lois élémentaires de la physique. En désespoir de cause, Faure tenta de mettre en œuvre une méthode simple. Entre autres outils utiles, il disposait d’un dérouleur muni d’un filin ultra résistant d’une longueur approximative d’une cinquantaine de mètres. En l’ancrant fermement à un arbre proche, il pourrait mener une expédition prudente de tous côtés en variant successivement la longueur des rayons.
Il passa beaucoup de temps à fouiller les dix et vingt premiers mètres, certain qu’il retrouverait la mante et le fil d’Ariane pour peu qu’il fît preuve de suffisamment de méthode et d’obstination. Faure estimait que sa fuite désordonnée devant le buffle n’avait pas été très longue et que ce n’était qu’une question de temps avant qu’il ne retrouvât le point d’origine. Erreur. Il ne trouva rien.
Au bout des trente mètres suivants, il sentit le découragement le gagner. Impossible de décrire la forêt autrement que comme un labyrinthe sans couloir ni recoin. Un vaste champ d’expérience sensorielle inhumaine d’une homogénéité parfaite. Peut-être vaste comme l’infini.
En allongeant la longueur des rayons, Faure se rendit compte d’une variable. La seule. Le bruit des ressacs augmentait de manière notable dans certaines zones de la forêt. Il lui vint à l’esprit que ce différentiel offrait un axe en matière de repères spatiaux : confins, abords relatifs, orées. Une solution plausible, une porte de sortie possible, de toute façon un espoir. Ce fut ce qui l’amena à poursuivre son exploration. Il était là pour voir et ressentir. Il pouvait se donner les moyens d’enrichir son expérience et de compléter son rapport. Et, pris d’une ardeur nouvelle, Faure marcha droit vers les ressacs, empoignant fermement le filin comme s’il s’agissait d’un cordon ombilical le reliant à la réalité mère. Lorsqu’il y repensa, il convint que, à bien y réfléchir, cette réalité mère était celle de la forêt et non la sienne, mais il était trop tard.
La lumière vacille. Le fragment suivant commence dans l’ombre.
Le Cercle des Illuminés
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