— Cible verrouillée, cible acquise, Griffons 1, 2, 3 et 4 éjectés. Multiples leurres largués. Nous rétablissons l’assiette. Faure, ouvre les yeux et profite du spectacle.

Le père capitaine dut se faire violence pour écouter les conseils prodigués. Il suivit sur sa visière les quatre missiles thermobariques à surpression filant à Mach 4-5. Même habitué aux effets dévastateurs de ce type d’armes, Faure ne put s’empêcher de se crisper. L’explosion en soi terrifiante fut immédiatement suivie par une implosion provoquant une monstrueuse et interminable onde de choc détruisant tout aux alentours.

— Retour ?

— Multiples cibles neutralisées, de très nombreuses autres cibles en cours de réorganisation.

— Après quatre griffons ? Ils disposent de nos systèmes de blindage ? (Une pause.) Nous refaisons un passage ?

— Non, fit Rovin incrédule,  Rome nous demande d’appliquer la procédure Egide et de maintenir notre cap.

Le cockpit du Fennec s’opacifia dans son intégralité, obligeant les pilotes à se concentrer sur leurs seuls instruments. Une lueur imperceptible illumina le temps d’une impression fugace l’intérieur de l’aéronef.

— C’était une frappe d’un Ange de Dieu ? demanda Bari d’une voix blanche.

— Je ne vois rien d’autre, répondit Faure dans un souffle. Sans doute une frappe à basse intensité pour qu’on nous ait autorisé à continuer le vol sans risque.

La lumière du jour revint progressivement dans le cockpit alors qu’il perdait peu à peu de son opacité. En bas, sur la terre ferme, tout n’était que poussière et désolation. Un cratère rougeoyant de plusieurs centaines de mètres de diamètre était nettement visible derrière un nuage de scories en suspension.

— Nous recevons des dizaines de messages provenant de tous les canaux. Demande d’assistance, d’instructions, ordres et contrordres… C’est le chaos en bas, dit tout bas Rovin.

— Nous revenons à la base ? demanda Bari.

— Nous ne pouvons pas, répondit le pilote avec une frayeur grandissante. Nous avons été dessaisis des commandes.

— Nous ne contrôlons plus l’appareil ?!

— Quelqu’un d’autre le fait pour nous…

Le silence tomba sur tous les canaux et une voix prit la parole. Si son autorité évoquait celle de l’archonte polémarque Bilget, Faure ne put reconnaître formellement la cardinale. Sans lui être étrangère, cette voix indubitablement féminine était à la fois plus musicale et bien plus grave. Et il doutait qu’elle fût entièrement humaine.

— Ecoutez et retenez. Ce que vous laissez derrière vous ne vous concerne pas. Vous êtes le jouet de puissances supérieures contre lesquelles vous ferez allégeance sans discuter. (Une pause.) Père Capitaine, il y a maintenant vingt-quatre heures, nos saintes IA protectrices surnommées « mantes » ont détecté un phénomène qu’elles n’ont pas réussi à identifier avant de cesser d’émettre. Les satellites géostationnaires de renseignement ont circonscrit une zone d’instabilité prenant son origine dans une fraction de jungle équatoriale sans plus de précisions. Nulle donnée n’a pu être exploitée. Aucun relevé n’a pu être établi. Un bombardement d’ondes a renvoyé un écho monstre, une masse sombre en perpétuel mouvement faisant obstruction à la géosphère. Nous vous demandons de réactiver nos protectrices. Quoiqu’il se passe là-bas, tout est pardonné ; nous désirons simplement apprendre et connaître. Bonne chance, Père Capitaine, nos vœux vous accompagnent.

— Attendez ! s’exclama Faure. (Affolés, Rovin et Bari le regardèrent comme s’il venait de blasphémer.) Est-ce bien ce que Sa Sainteté veut ?

— Tout naturellement.

— Et est-ce ce que les Illuminés veulent ?

— Nous sommes tous des Illuminés, Père Capitaine, à des degrés divers. Sa Sainteté, moi-même, mes frères et mes sœurs avons été hautement initiés. Vous en prenez le chemin. Chez d’autres, la quantité d’éveil s’avère plus que négligeable… Fin de la transmission.

La lumière vacille. Le fragment suivant commence dans l’ombre.

Fragment précédent
Fragment suivant

Le Cercle des Illuminés

Recevez chaque nouveau fragment directement dans votre sanctuaire électronique.

S'inscrire