V – L’appel de la sorcière – Fragment 2
— Rien de réjouissant… C’est un salmigondis de superstitions et de rites barbares. Colifichets, amulettes, cérémonies sanglantes… Zéro pensée spirituelle. Il n’y a pas même une littérature de légendes et de mythes digne de ce nom. Ah si… L’ancien séminariste que tu es sera tout de même intéressé par une étonnante tradition.
Faure entendit un projectile rebondir sur le blindé, puis un autre, puis le bruit devint régulier, comme si une averse de grêle tombait sur le véhicule. Tovac ne releva pas de prime abord, puis sourit.
— Tu travailles dans la cité des Papes, si je ne me trompe pas ? Tu dois avoir l’habitude d’un bruit de fond en été, non ? Ce que tu entends, ce sont les cigales rwandaises, Faure. Nous ne sommes pas très populaires.
— On se fait allumer par qui ? fit Faure en surveillant les écrans de contrôle du blindé.
— Qui sait ? FPR vs FAR est une vision simpliste. Le pays s’embrase et, comme de juste, de nombreux petits chefs de guerre se sont empressés de mettre de l’huile sur le feu. Pas sûr qu’ils soient affiliés à l’un ou l’autre des deux partis. C’est là où l’expression « guerre asymétrique » prend tous son sens. Relax, Faure… Nous ne craignons rien. S’ils veulent gâcher des munitions, grand bien leur fasse. Nous n’allons pas réagir pour une escarmouche puérile.
— C’est fou ce qu’on me dit de prendre les choses à la légère depuis que j’ai posé les pieds au Rwanda…
— C’est ce qu’il y de mieux à faire. Les services de sécurité sont sur les dents. Les plus sages d’entre nous sont les officiers de renseignement. Le traitement des données collectées est une tâche délicate qui réclame la plus grande prudence. L’homme blanc en Afrique… OK, nous étions plutôt bons en matière de diplomatie ; maintenant, faute d’interlocuteurs dignes de confiance…
— Très bien, je passe l’éponge sur les « cigales. » Pas D’EEI à craindre ?
— Pas en zone urbaine. Et la quasi totalité de nos déplacements se font par voie aérienne. Les EEI sont archaïques, nous n’avons plus rien à en craindre. Nos ennemis sont les premiers à reconnaître leur inefficacité.
— Et les risques d’embuscade ?
Tovac éclata de rire.
— Trois de tes favorites nous escortent Faure. Mode furtif. Elles s’accommodent des chamailleries, pas davantage. Il y a une semaine un groupe de miliciens nous a bloqués. Tu vois le tableau… Deux pick-ups devant, trois derrière. Bon… Vu ce qu’il restait des véhicules après un tir nourri aux fléchettes antipersonnelles, on leur a facilité le broyage. Et les blessés ont été achevés par les mantes elles-mêmes.
— Je vois très bien le tableau : un spectacle édifiant.
— Précisément. Nous ne sommes pas populaires et nous ne sommes pas là pour travailler notre popularité. Le temps des donations généreuses est révolu. Hyperborée n’est pas une mission humanitaire. Nous servons les desseins de Sa Sainteté, quels qu’ils soient.
Les impacts se firent sporadiques et cessèrent tout à fait. Le blindé continua à progresser dans les artères encombrées, forçant le passage et obligeant les rares véhicules à se ranger précipitamment. Faure jeta un coup d’œil à sa montre et calcula que cela faisait plus d’un quart d’heure qu’ils roulaient.
La lumière vacille. Le fragment suivant commence dans l’ombre.
Le Cercle des Illuminés
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