II – Le Synode – Fragment 3
— Merci, Votre Eminence. C’est pour cette raison que nous intervenons sur le sol Rwandais. Opération Hyperborée. Nous avons déplacé de nombreux régiments étrangers d’infanterie de la Légion. Nous aussi, nous nous montrons. Pas de raids aériens pour l’instant, nous sommes tenus à une certaine réserve. Les Russes et les Chinois râlent. On les emmerde, c’est certain. Je m’excuse, Votre Eminence. Il est vrai qu’il est bien plus difficile de vendre des armes quand nous surveillons les ports et les aéroports. Nous avançons à pas de velours. Différents scénarios de raids terrestres ont été étudiés, mais rien n’a été décidé… Vous devez me connaître Faure, j’ai horreur de la tiédeur. C’est le meilleur moyen pour bâcler une campagne. Mais nous ne voulons pas de friction avec les Russes ni avec les Chinois.
— Vous n’avez pas parlé de l’Alliance Américaine ? glissa timidement Faure.
— Nous n’avons guère de relations diplomatiques avec eux depuis Jérusalem. De toute façon l’Afrique les dépasse. Ils n’y ont jamais rien compris et n’y comprendrons jamais rien. Inutile de compter sur eux. A quoi bon traiter avec une puissance de troisième zone…
— Nos amis américains ont maintes fois été invités à la table des négociations par Sa Sainteté, intervint l’archonte. Mais notre politique de la main tendue est restée sans retour. Nous estimons avoir fait suffisamment d’efforts dans ce sens.
— Très franchement, leur appui nous serait précieux, ne serait-ce qu’en matière d’image. Mais la crise de l’eau les accable bien plus durement qu’ils ne veulent l’avouer.
— Bien vu, Faure, fit le général Ordin avec un rictus satisfait. Pourtant ce n’est pas faute d’avoir essayé de leur vendre nos entreprises de désalinisation. Mais comme tout le monde, les produits finis ne les intéressent pas, ils veulent notre technologie. Bon, et bien qu’ils aillent se faire foutre… Je m’excuse encore une fois, Votre Eminence. Mais de leur part, c’est du pur pharisianisme.
— Ne vous excusez pas, Général. Notre technologie est un don divin. Le Très Haut nous a choisis. Nous ne supporterons pas leur impiété.
Le ton de sa voix, résolument impitoyable, réduisit les deux hommes au silence.
— Général, reprit-elle avec plus de douceur, veuillez nous excuser. J’aimerais m’entretenir en privé le père capitaine. (A Faure.) Suivez-moi, je vous prie. Le temps est encore assez clément pour une promenade dans le parc du palais.
Faure consulta du regard son supérieur qui s’obstinait à fixer son assiette, et finit par se lever précipitamment. Dehors la nuit s’apprêtait à tomber et le ciel s’était rempli d’un bleu foncé qui nimbait chaque statue d’un halo tendre.
— La diffusion Rayleigh. L’heure bleue, ajouta-t-elle. Ce doit être mon côté romantique, mais je m’accorde toujours une pause dans mon emploi du temps pour en profiter, quand le temps le permet.
Faure ne dit rien et attendit qu’elle poursuivît. Il remarqua qu’elle égrenait un chapelet imaginaire en rêvassant.
— Inexplicablement personne ne trouve rien à y redire à mes goûts d’esthète. Vous savez pourquoi Père Capitaine?
— Vous êtes connue comme le bourreau de Jérusalem, Votre Eminence.
— Précisément, Père Capitaine. Carniflex Hierosolymitanus est l’un de mes titres.
L’archonte polémarque Bilget lui offrit un sourire derrière lequel se dissimulait une apocalypse thermonucléaire. Cela n’avait rien d’agréable.
La lumière vacille. Le fragment suivant commence dans l’ombre.
Le Cercle des Illuminés
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