Il progressait lentement, prenant soin de lever les jambes pour prévenir tout obstacle éventuel, précaution d’ailleurs bien inutile. A l’aveuglette, la forêt se révélait. En plus de la fraîcheur relative rafraichissant sa peau enfiévrée, il réalisa qu’il n’émanait pas la moindre odeur de la jungle, alors qu’il aurait dû être saturé par les parfums de la végétation. Pas un souffle de vent non plus. Une aberration, au regard de la canopée qu’il avait vu s’agiter. Pas de relief, une surface plane. Il régnait une atmosphère de stase presque stérile, en contradiction absolue avec la luxuriance animale et végétale. Très clairement, cela manquait de chaos.

A un moment, il percuta une forme massive qui grogna sans agressivité. Faure eut le temps de sentir un pelage duveteux avant que l’animal rompît le contact avec furtivité. Il s’immobilisa, mais la bête s’éloignait déjà en feulant doucement. Un fauve à coup sûr, sûrement une panthère, qui là encore ne dégageait aucune odeur animale. Faure imagina les ocelles de l’animal scintiller de lumière, mais il n’osa pas retirer ses œillères, par peur de sombrer à nouveau dans le ravissement. Il continua à avancer avec prudence. Privé de ses facultés visuelles, la spatialisation des ressacs s’avérait plus évidente, et la forêt ne le retenait pas, le laissant jouir de sa liberté. Pas une seule fois il ne trébucha ou ne fut entravé par la végétation dans ses mouvements. Mais la fatigue commençait à se faire sentir. Cela faisait déjà trop longtemps qu’il s’était aventuré dans la forêt pour une simple reconnaissance. Les glissements de temps évoqués par Andriana lui faisait moins peur que l’épuisement. Il mâchonna par réflexe une ration énergétique. Plus d’eau en revanche. En tendant l’oreille, il entendit glouglouter non loin de lui. De très bon augure. L’eau faisait davantage de bruit que les ressacs, réduits à un très lointain murmure. Peut-être même la source évoquée par Andriana. Une piste à creuser en suivant l’aval. A condition de déterminer le sens du courant, point qu’il ne pourrait éclaircir qu’en repérage visuel. Lentement, il décilla ses yeux aveugles et constata soulagé que les merveilles n’avaient pas cours dans cette partie de la forêt. Imprévu de taille, la nuit tombait.

La lumière vacille. Le fragment suivant commence dans l’ombre.

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