V – L’appel de la sorcière – Fragment 4
La furtivité était le propre de ces systèmes d’armements létaux autonomes, destinés à surprendre et à anéantir l’ennemi. Leur châssis était couvert de chromatophores, chacun contenant un pigment différent, et des nanocristaux réfléchissaient les longueurs d’onde. Sans être totalement invisible, une mante en mode furtif n’offrait qu’un léger miroitement à l’œil nu, ce qui constituait déjà un prodige pour une structure de plus de quatre mètres cinquante de long.
Immédiatement elle se redressa, surplombant la foule de sa forme insectoïde comme un totem cauchemardesque, et déploya ses ailes pourvues de stroboscopes tactiques, déclenchant une rafale de flashs aveuglants pour figer l’émeute. Faisant jouer ses capteurs d’ADN, elle repéra Faure et tailla toutes ceux et celles attroupés autour du militaire avec ses pattes ravisseuses, semblables à deux immenses faux. Des hurlements retentirent et la foule tenta de fuir. Ce fut alors que les deux autres mantes entrèrent en action. Les procédures d’acquisition de cibles furent établies en quelques microsecondes, et les canons de 30 millimètres se mirent à crépiter. Le père capitaine imagina la scène plus qu’il n’y assista. Dès lors que les mantes engageaient le fer, elles neutralisaient tout individu sur un théâtre d’opération dont l’ADN n’était pas rentré dans leur base de données. Ces systèmes étaient la réponse ultime à toute forme de guérilla urbaine. Alors que l’armée française avait été si frileuse à se doter de drones, elle avait inscrit sans réserve les mantes dans sa doctrine. Facile à comprendre. Les mantes n’étaient pas un avantage tactique, mais une entreprise de domination mondiale.
Quelques instants plus tard, les canons se turent. Quelques cris de souffrance se faisaient entendre par intermittence, puis un silence de mort tomba, alors que les mantes cliquetaient rapidement sur leurs pattes métalliques pour achever les blessés. Faure fut relevé sans ménagement par deux légionnaires, visiblement furieux. Il ne pouvait pas leur donner tort. Si un homme sous ses ordres s’était mis dans une telle situation, il aurait ordonné de le mettre aux arrêts. Mais lorsqu’ils firent mine de le séparer de la fillette, il se rebiffa. Il n’était pas question qu’il la lâchât et, terrorisée, elle se blottit tout contre lui. Hésitant à utiliser la force, les légionnaires consultèrent du regard le lieutenant-colonel Tovac qui se dirigeait vers eux. Faure comprit que c’en était fini de leur belle complicité.
— Laissez cette gamine, Capitaine, et remontez dans le blindé sans faire d’histoires. Je ne dis pas que je passerai l’éponge, mais ne vous avisez de me foutre en rogne…
Faure considéra ses options. Il n’en avait pas beaucoup.
— Avec tout le respect que je vous dois, je refuse, Mon Colonel.
— Attendez… on ne parle pas la même langue ? Vous ne comprenez pas un ordre direct ? Je répète : laissez cette gamine et remontez dans le blindé avant que je ne vous fasse menotter.
— Et moi, je vous répète que, si j’ai parfaitement compris votre ordre, je refuse de laisser cette enfant. Je suis père capitaine. Et il est de mon devoir de prêtrise de porter assistance à ceux qui en ont besoin.
La lumière vacille. Le fragment suivant commence dans l’ombre.
Le Cercle des Illuminés
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